Lorsque nous allumons une lumière, la plupart d’entre nous ne se questionnent pas à savoir d’où vient l’électricité. Au moment où le Canada s’efforce d’accroître son approvisionnement en électricité, de décarboniser son économie et de répondre à la crise climatique, nous devons toutefois approfondir nos réflexions et passer à l’action plus rapidement.
Le Canada est à la croisée des chemins. Face aux besoins pressants pour la sécurité énergétique, pour la décarbonisation et pour une plus grande résilience économique, le premier ministre Mark Carney a promis que son gouvernement ferait du Canada une « superpuissance énergétique ». Il doit maintenant tenir cette promesse tout en conciliant le développement rapide des infrastructures énergétiques avec une gestion responsable de l’environnement et la réconciliation avec les peuples autochtones.
Souvent négligée dans les discussions actuelles sur le climat, l’hydroélectricité est la pierre angulaire du système électrique canadien. Elle produit déjà plus de 60 % de notre électricité et joue un rôle crucial en nous aidant à atteindre nos objectifs en matière d’émissions. Des processus réglementaires inefficaces et redondants mettent cependant en péril son avenir et celui de nous tous.
L’hydroélectricité est la seule source d’énergie renouvelable qui génère de l’électricité de façon constante, quelle que soit l’heure de la journée ou les conditions météorologiques. Cette source fiable agit en complément aux autres énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire. Elle contribue également à réduire les émissions de carbone, tout en répondant à la demande croissante d’électricité pour assurer l’alimentation des foyers, des entreprises et des industries. Une fois construites, les installations hydroélectriques produisent de l’électricité à coût abordable et à faible teneur en carbone avec une très grande fiabilité ‒ durant des décennies et parfois au-delà d’un siècle.
En d’autres termes, nous disposons déjà d’une solution climatique évolutive et adaptable – entièrement canadienne ‒ qui présente un vaste potentiel inexploité et bénéficie d’un large soutien. Plus de 90 % des Canadiennes et des Canadiens sont favorables au développement de nouveaux projets hydroélectriques et à l’amélioration des installations existantes. Malgré l’importance de cette industrie pour l’économie canadienne, les initiatives d’expansion et d’entretien des installations hydroélectriques sont confrontées à d’importants défis réglementaires.
Les modifications apportées à la loi sur les pêches, en 2019, ont amené de nouveaux défis. Cette loi exige désormais une approbation pour toute activité susceptible d’avoir un impact, parfois même sur une seule espèce de poisson, ce qui entraîne souvent de longs délais pour réaliser les travaux nécessaires. Bien que la protection des écosystèmes aquatiques représente un enjeu vital, ce changement d’orientation a rendu le processus plus lent et plus confus, au moment où les producteurs d’hydroélectricité doivent constamment se soumettre à de nouvelles exigences. Dans certains cas, l’examen d’autorisations délivrées en vertu de la Loi sur les pêches a entraîné des retards de plusieurs années pour les travaux d’entretien de routine. Ceci malgré le fait que des mesures importantes aient déjà été prises pour protéger les populations de poissons et y compenser les pertes.
Les retards dans les travaux d’entretien de routine peuvent avoir une incidence sur la fiabilité de notre approvisionnement en électricité. Lorsque de nouveaux projets hydroélectriques sont bloqués, le Canada est contraint de recourir à des sources d’énergie plus coûteuses et à fortes émissions de carbone. Quand les entreprises ne peuvent pas obtenir d’autorisations en temps voulu, on assiste à un ralentissement des investissements dans l’avenir de nos énergies propres.
Dans certains cas, il faut jusqu’à dix ans pour obtenir l’approbation d’un grand projet hydroélectrique, nos délais étant parmi les plus longs de l’OCDE. Le Canada doit accroître considérablement sa capacité de production d’électricité d’ici 2050, mais le calendrier des projets ne correspond pas à la demande prévue, car jusqu’à 15 années sont nécessaires pour mener à bien chaque grand projet. Il ne s’agit pas seulement d’une simple succession d’irritants, mais d’un blocage majeur qui freine les progrès en matière de climat, décourage les investissements et met en péril notre sécurité énergétique.
Pour renforcer le Canada et sa sécurité énergétique, le nouveau gouvernement fédéral devrait rapidement réformer le processus en accélérant les examens et en éliminant la redondance des évaluations. Pour ce faire, il est essentiel de reconnaître la préséance des processus provinciaux, là où la situation le permet. Il faut aussi créer un organisme d’autorisation centralisé et indépendant, chargé de prendre des décisions sur les permis de façon rapide et efficace. Celui-ci pourra assurer la coordination entre les départements, impliquer les nations autochtones de manière significative et rendre des décisions claires dans les délais souhaités.
Soyons clairs : il ne s’agit pas d’affaiblir la surveillance environnementale. Il s’agit de la renforcer en la rendant plus ciblée, plus transparente et davantage axée sur les solutions. En créant un cadre réglementaire qui concilie croissance responsable et gestion de l’environnement, nous démontrerons que l’essor économique et la durabilité peuvent et doivent coexister.
Le Canada compte plus de 600 centrales hydroélectriques réparties sur l’ensemble de son territoire, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve-et-Labrador. Un entretien adéquat est essentiel pour assurer la continuité de leur fonctionnement.
Souvent situés sur des territoires autochtones, ces projets impliquent une planification, une consultation et une gestion complexes que les producteurs d’hydroélectricité mènent conjointement avec les Premières Nations. L’amélioration du cadre réglementaire devrait viser à encourager le respect des droits autochtones, à soutenir le développement énergétique mené par les Premières Nations et à garantir que les communautés sont de véritables partenaires dans la prise de décision.
Si elle est bien menée, la réforme du système accélérera le déploiement de l’énergie propre tout en garantissant le respect de normes environnementales élevées. Cela contribuera à clarifier les choses pour les promoteurs, à soutenir les communautés et l’élan de la transition du Canada vers le « zéro émission nette ».
Le moment est venu de passer à l’action. La révision quinquennale de la loi sur les pêches, entreprise et interrompue par l’administration précédente, doit être achevée pour permettre d’apporter des modifications importantes à la loi sans lesquelles le nouveau gouvernement ne pourra tenir son engagement d’accélérer les projets énergétiques. Le gouvernement et son nouveau cabinet ont le choix entre remodeler les institutions et les processus pour permettre la réalisation des projets ou continuer de bloquer le développement énergétique dans tout le pays.
Les enjeux sont considérables. Si nous n’agissons pas, nous risquons d’assister à une augmentation des prix de l’énergie, à la paralysie du processus de réductions d’émissions et à une dépendance croissante aux combustibles fossiles. En retour, la mise en place des bonnes politiques peut faire progresser et garantir l’accès à une énergie propre et fiable, tout en protégeant les écosystèmes et les communautés au sein desquels nous vivons.
L’hydroélectricité n’a peut-être rien de trop spectaculaire, mais cette force motrice de la lutte contre le changement climatique mérite plus de considération et d’investissements, ainsi qu’une réglementation intelligente. Si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de climat, un leadership fédéral fort est nécessaire pour ouvrir la voie aux investissements et au développement de l’hydroélectricité. Notre industrie est prête à tenir ses promesses. Elle a maintenant besoin d’une action audacieuse à la hauteur de ses attentes.
Nos lumières sont allumées. Faisons en sorte qu’elles le soient encore longtemps – avec une énergie propre, une politique claire et un leadership climatique digne des ambitions du Canada.