L’hydroélectricité est la doyenne des énergies renouvelables. Pourtant, elle reste souvent à l’ombre des solutions telles que le solaire, l’éolien ou le stockage. Et pourtant, sa place est légitime au cœur des discussions sur l’énergie propre. Alors pourquoi est-elle si souvent négligée? Démystifions quelques idées reçues.
🚫 Mythe n°1 : « L’hydro, c’est une technologie dépassée. »
✅ Réalité : Prouvée ? Oui. Dépassée ? Loin de là.
L’industrie hydroélectrique connaît une véritable renaissance, portée par des innovations qui redéfinissent la façon dont nous produisons, stockons et distribuons l’énergie propre. Aujourd’hui, l’hydro intègre des technologies de pointe qui rendent les installations plus intelligentes, plus efficaces et plus respectueuses de l’environnement que jamais.
- La nouvelle génération de turbines comprend des modèles écologiques permettant aux poissons de passer sans danger, des turbines à vitesse variable pour maximiser la production selon les flux, et des systèmes modulaires faciles à moderniser.
- La transformation numérique révolutionne les opérations : entretien prédictif grâce à l’IA, suivi écologique en temps réel, et intégration aux réseaux intelligents pour ajuster automatiquement la production selon la demande.
- L’innovation en stockage par pompage positionne l’hydro comme pilier du stockage renouvelable : des installations capables d’emmagasiner une grande quantité d’énergie propre et de la redistribuer lorsque le solaire et l’éolien ne suffisent pas—transformant l’eau en « batterie géante » du réseau.
- Les technologies d’adaptation climatique renforcent la résilience des installations face aux phénomènes extrêmes : systèmes de passage pour les poissons perfectionnés, amélioration des habitats, et gestion des flux inspirée des rythmes naturels des rivières.
L’hydroélectricité d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de nos grands-parents—c’est une technologie propre en constante évolution, prête à relever les défis énergétiques et environnementaux du 21e siècle.
🚫 Mythe n°2 : « L’hydro détruit les écosystèmes fluviaux et décime les populations de poissons. »
✅ Réalité : L’hydro moderne priorise la protection des habitats et les bénéfices environnementaux nets.
Autrefois, certains projets hydroélectriques canadiens ont été réalisés sans considérer pleinement leurs effets sur les milieux naturels. Mais aujourd’hui, les développeurs intègrent une gestion environnementale rigoureuse dès la conception. Il faut aussi reconnaître le rôle crucial de l’hydro dans la réduction des émissions de carbone : elle est essentielle aux objectifs canadiens de décarbonation et à notre transition vers la carboneutralité.
Les premières installations hydroélectriques, développées avant la compréhension des écosystèmes et du climat—et avant d’avoir accès aux outils d’atténuation modernes, sont maintenant encadrées par des normes environnementales strictes. Les projets modernes intègrent des mesures d’atténuation (turbines respectueuses, passes à poissons, gestion des débits, restauration d’habitats), reconnaissant le rôle essentiel de l’hydroélectricité dans la lutte contre les changements climatiques.
De plus, de nombreuses centrales existantes sont mises à niveau pour réduire leur empreinte écologique. Les projets « au fil de l’eau », en particulier, conservent les flux naturels tout en générant de l’électricité propre avec peu de perturbations écologiques. L’industrie ne se contente plus de respecter les normes—elle innove, souvent au-delà des exigences, pour concilier production énergétique et respect de l’environnement.
Par exemple :
Les technologies modernes d’Ecofish transforment la façon dont nous surveillons et protégeons les milieux aquatiques à proximité des installations hydroélectriques. Des capteurs mesurent la qualité de l’eau, des systèmes évaluent la capacité des poissons à franchir les canaux, et des programmes analysent la santé globale des écosystèmes en temps réel pour aider les opérateurs à respecter les règles environnementales et à adapter les opérations au besoin, bien qu’ils ne permettent pas encore le suivi individuel des poissons ni le contrôle automatique des turbines en fonction de leurs mouvements.
- Des approches de restauration environnementale, comme celles proposées par EcoReg Solutions, génèrent des gains mesurables pour la biodiversité et la santé des écosystèmes. Loin des modèles traditionnels, ces projets visent un bilan environnemental positif.
- Ontario Power Generation (OPG) collabore étroitement avec des partenaires comme South Nation Conservation pour revitaliser les milieux humides et restaurer les habitats autour des installations hydroélectriques à travers des initiatives de biodiversité à long terme : la création de mares printanières, installation de nichoirs pour les canards branchus, plantation de végétation indigène comme le riz sauvage, et aménagement de sites de ponte pour les tortues.
- Hydro-Québec mène des initiatives de restauration à travers la province—dont un partenariat notable avec WWF Québec pour renforcer la biodiversité le long des corridors de transport d’électricité.
Les évaluations environnementales fondées sur la science permettent aujourd’hui d’identifier les meilleures stratégies pour éviter, réduire et compenser les impacts écologiques à toutes les étapes du développement. Elles sont appuyées par des technologies de surveillance et de restauration de pointe qui assurent une reddition de comptes rigoureuse et une amélioration continue.
Sans l’hydroélectricité, le Canada n’atteindra pas pleinement son objectif de carboneutralité. Grâce à sa disponibilité constante et à ses faibles émissions de gaz à effet de serre, elle est essentielle dans notre démarche de décarbonation : elle fournit une base énergétique propre et stable pour soutenir les autres sources renouvelables comme le solaire et l’éolien. Un développement responsable passe par la protection des habitats qui soutiennent les communautés et les écosystèmes dont nous dépendons tous—et l’industrie d’aujourd’hui dispose des outils et de la volonté nécessaires pour y parvenir.
🚫Mythe n°3 : « Le développement hydroélectrique néglige les droits des Autochtones et les intérêts des communautés. »
✅ Réalité : Le secteur hydroélectrique actuel est à l’avant-garde des partenariats autochtones et de la réconciliation.
Il est important de reconnaître que les cadres sociaux et juridiques entourant les droits des Autochtones ont beaucoup évolué avec le temps. Par exemple, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) n’a été adoptée qu’en 2007, ce qui aide à contextualiser l’écart entre les normes contemporaines et celles d’il y a 50 ou 100 ans.
L’industrie hydroélectrique a transformé sa façon d’interagir avec les communautés autochtones. L’approche actuelle place les droits, la souveraineté et les partenariats autochtones au cœur du développement, dès le tout début d’un projet. On voit de plus en plus de modèles de copropriété autochtone, des ententes de partage des revenus et d’équité, ainsi que des programmes de retombées communautaires. Au-delà de la simple consultation, les communautés autochtones deviennent propriétaires, exploitants et leaders de projets hydroélectriques. Ce changement reflète une volonté réelle de réconciliation économique, mais aussi la reconnaissance du rôle essentiel des communautés autochtones dans le développement énergétique durable du Canada.
🚫 Mythe n°4 : « L’hydro, c’est des barrages, point. Ni décentralisé, ni adaptable. »
✅ Réalité : L’hydro est beaucoup plus souple qu’on le croit.
Oui, il existe de grandes installations hydroélectriques, mais aussi des projets de petite et moyenne envergure, notamment des systèmes au fil de l’eau qui produisent de l’électricité propre avec un impact minimal sur l’environnement. Ces solutions sont particulièrement utiles pour les communautés rurales, éloignées et autochtones qui ont besoin de sources d’énergie locales et fiables. Dans ce contexte, l’hydro peut être aussi décentralisée et axée sur la communauté que le solaire ou l’éolien.
Les installations de micro-hydro peuvent alimenter des communautés ou des opérations industrielles, tandis que les projets de taille moyenne renforcent la sécurité énergétique à l’échelle régionale. Cette capacité d’adaptation rend l’hydro compatible avec une diversité de besoins énergétiques à travers l’immense territoire canadien. Par exemple, le projet hydroélectrique Innavik à Inukjuak, au Nunavik, est une centrale au fil de l’eau de 7,5 MW développée en partenariat avec la Pituvik Landholding Corporation. Une fois en service, elle devrait couvrir 80 % des besoins énergétiques de la communauté, réduisant la dépendance au diesel pour l’électricité, le chauffage et l’eau chaude de 80 %. Ce projet soutient non seulement la durabilité environnementale, mais contribue également au développement économique en générant des revenus pour les programmes et services communautaires.
🚫 Mythe n°5 : « Tous les meilleurs sites hydro sont déjà pris. »
✅ Réalité : Le Canada n’a qu’effleuré son potentiel.
Des analyses d’experts montrent que le Canada pourrait plus que doubler sa capacité hydroélectrique grâce à des mises à niveau, des rénovations et à de nouveaux projets. L’hydroélectricité est si abondante ici qu’une augmentation de moins de 2 % à des sites existants suffirait à produire assez d’électricité pour alimenter l’ensemble du parc de véhicules légers du pays.
Ce potentiel encore inexploité représente l’un des plus grands atouts naturels du Canada dans la lutte contre les changements climatiques. Alors que la demande énergétique augmente avec l’électrification, l’hydroélectricité demeure l’une des solutions propres les plus évolutives.
🚫 Mythe n°6 : « L’hydro coûte trop cher et prend trop de temps à construire. »
✅ Réalité : L’hydro offre une valeur inégalée à long terme en tant qu’actif perpétuel.
Alors que les projets à grande échelle exigent un investissement initial et une planification rigoureuse, l’hydroélectricité offre une valeur inégalée à long terme. Les provinces riches en hydro bénéficient des coûts d’électricité les plus bas au pays, ce qui donne un avantage concurrentiel aux entreprises et une énergie abordable pour les citoyens.
Avec une durée de vie de 80 à 100 ans ou plus et des coûts d’exploitation minimes, les installations hydroélectriques sont des actifs perpétuels qui fournissent de l’électricité propre et fiable pendant des générations. Contrairement aux technologies énergétiques qu’il faut remplacer au 20 à 30 ans, les infrastructures hydroélectriques peuvent servir plus d’un siècle grâce à un bon entretien et à des mises à niveau périodiques.
Les avancées technologiques et les possibilités d’amélioration des infrastructures existantes rendent aujourd’hui le développement plus efficace que jamais. Sur l’ensemble de leur durée de vie, les projets hydroélectriques figurent parmi les investissements énergétiques les plus rentables.
Replacer l’hydro au cœur de l’avenir énergétique propre
L’hydroélectricité n’est pas qu’une technologie héritée — c’est l’épine dorsale de notre avenir énergétique propre. Elle offre :
- Une alimentation de base continue, 24/7, indépendante de la météo
- Une flexibilité de pointe et un équilibrage de charge pour appuyer les renouvelables comme l’éolien et le solaire
- Des capacités de stockage à long terme grâce au pompage-turbinage
- Des services de stabilité du réseau facilitant l’intégration des autres sources d’énergie propre
- Des opérations propres, renouvelables et à très faibles émissions continues
- Des retombées économiques grâce à une électricité à faible coût et à la création d’emplois durables
Alors que nous bâtissons un réseau carboneutre, il ne s’agit pas seulement de ce qui est nouveau—mais de ce qui fonctionne. Et l’hydro fonctionne, évolue et mène discrètement. Le Canada, riche en ressources hydriques, dispose d’un avantage concurrentiel qui ne doit pas être négligé dans cette transition énergétique.
Il est temps de replacer l’hydroélectricité au cœur de l’énergie propre, là où elle a toute sa place.